ANDALOUSIE - CHAPITRE I
J'ai réalisé un rêve.
En mars dernier, j'ai eu l'opportunité de voyager sur les terres de Al-Ándalus et de vadrouiller, le temps d'une journée, à travers les callejas de sa capitale médiévale. Des années durant, j'ai candidement songé à roadtriper dans les moindres recoins de ce territoire multiculturel, imprégné de plus de milles années d'histoire jamais dénouées. Mon retour sur la toile était donc l'occasion de vous livrer, au fil de ces quelques lignes, les quelques secrets que m'a confiée la sublime cité - et ancien Califat - dénommée Córdoba.
disclaimer : avant de m'improviser guía turística et de vous perdre dans un flot d'informations historico-culturelles, je tenais - comme j'ai coutume de le faire - à signer publiquement la décharge suivante. Certaines le savent déjà, et si vous êtes nouvelles par là, il vous aura été forcé de constater qu'au-delà des futilités, ce blog se veut aussi être un hommage au pays que je chéris. Si je me permets aujourd'hui de me la jouer "especialista" (avec de gros guillemets) de l'Espagne péninsulaire, c'est parce que j'en ai aujourd'hui fait mon métier. Vous l'aurez compris, mes articles ne sont pas écris à coup de Wiki, et je ne me contente pas de puiser ce que je vous avance chez Gogole et ses amis. De plus, au vu de l'audience suscitée par les posts axés sur ladite thématique, il me semblait intéressant de ne pas vous balancer bêtement mes visites et clichés...
Je vous le spécifiai en intro, ma petite virée cordouane (aussi étrange que cela puisse paraître, c'est bien le nom qu'on donne à sa gentilité et adjectifs dérivés), n'a pas duré plus d'une petite journée. En effet, ce petit détour andalou n'était pas porté par un vent purement vacancier (même s'il faut avouer que le soleil et la beauté des lieux ne peut que nous transporter). Le programme était donc préétabli, ce qui explique ma frustration et la minorité de découvertes effectuées.
La matinée a débuté par la visite guidée d'un monument sacré emblématique : la mosquée-cathédrale (la mezquita catedral, en espagnol). Mais avant de nous intéresser à son passé arabo-musulman, faisons un point sur le statut de la ville à l'époque de l'Hispanie. Hergé n'a rien inventé : ce sont bien ces fous de Romains qui ont baptisé la péninsule ibérique. Ce sont eux qui ont fondé la ville de Cordoue autour de l'an 169 avant Jésus-Christ. En témoigne d'ailleurs l'impressionnant Puente Romano qui nous permet, aujourd'hui encore, la traversée du Guadalquivir (qui signifie "río grande" ou "grand fleuve" en arabe, souvent traduit en français par "grande vallée"). Corduba fut ensuite rapidement intégrée au royaume wisigoth, instauré au début du cinquième siècle et qui s'étendait alors jusqu'à Toulouse. En 711, la célèbre bataille de Guadalete et la chute des Wisigoths marquent le commencement de l'ère mauresque, qui ne dura pas moins de huit siècles (cette période s'appelle Al-Ándalus, et donne son nom à l'actuelle Communauté Autonome). Tout comme la majeure partie de la péninsule, la ville est conquise par les Omeyyades, qui en font leur capitale pendant trois cent ans.
Imminent symbole de sa puissance, Abd al-Rahman I ordonne la construction de la mosquée dite "primitive", en 786. En 1236, Fernando III de Castilla reconquiert Cordoue et y établit la cathédrale Santa María. Durant six-cent ans, cet édifice spirituel aura subit d'innombrables agrandissements. Érigé au sommet de 856 colonnes, ce monument de recueillement témoigne de la richesse historique et culturelle de son passé et mêle aussi bien les styles architecturaux omeyyades que gothiques.
Mais ce n'était pas sans compter sur la soif d'évangélisation qui obsédait l'Espagne moyenâgeuse (notamment depuis le passage des Rois Catholiques). Au seizième siècle - ou siglo de oro -, l'Empereur Charles Quint (qui était aussi Carlos I de España), premier représentant et porteur de la foi catholique en Europe, autorisa la construction d'une cathédrale en plein cœur de ce joyau religieux. Cette ultime retouche fut marquée d'un fort regret de la part de l'Emperador : "Habéis tomado algo único y lo habéis convertido en algo mundano" (« Vous avez détruit ce que l’on ne voyait nulle part pour construire ce que l’on voit partout »).
Imminent symbole de sa puissance, Abd al-Rahman I ordonne la construction de la mosquée dite "primitive", en 786. En 1236, Fernando III de Castilla reconquiert Cordoue et y établit la cathédrale Santa María. Durant six-cent ans, cet édifice spirituel aura subit d'innombrables agrandissements. Érigé au sommet de 856 colonnes, ce monument de recueillement témoigne de la richesse historique et culturelle de son passé et mêle aussi bien les styles architecturaux omeyyades que gothiques.
Mais ce n'était pas sans compter sur la soif d'évangélisation qui obsédait l'Espagne moyenâgeuse (notamment depuis le passage des Rois Catholiques). Au seizième siècle - ou siglo de oro -, l'Empereur Charles Quint (qui était aussi Carlos I de España), premier représentant et porteur de la foi catholique en Europe, autorisa la construction d'une cathédrale en plein cœur de ce joyau religieux. Cette ultime retouche fut marquée d'un fort regret de la part de l'Emperador : "Habéis tomado algo único y lo habéis convertido en algo mundano" (« Vous avez détruit ce que l’on ne voyait nulle part pour construire ce que l’on voit partout »).
Aujourd'hui classée au Patrimoine de l'humanité, la mosquée-cathédrale de Cordoue se révèle être un monument des plus singuliers puisqu'il abrite en son sein deux lieux de cultes distincts et opposés (l'ancien minaret se confond également en un clocher). La modestie musulmane flirte avec l'opulence catholique, pour en faire un lieu particulièrement unique. De cette façon, elle symbolise sans même y prétendre, l'entente entre les cultures dominantes qui ont foulé son sol.
Ni vu ni connu, ce dernier point me permet de faire la transition avec la seconde partie de la matinée. Le Moyen-Âge espagnol n'est pas uniquement synonyme d'Inquisition. En fait, on peut même dire qu'à cette-époque, la pluralité des peuples qui y vivait baignait dans une certaine sérénité. Je ne suis pas en train de dire que ce qu'on nous apprend à l'école est faux ; je nuance. Vous souvenez-vous de Tolède (en savoir plus) ? Capitale de la Castille jusqu'en 1561, la cité se définissait comme "la ville des trois cultures" (juive, musulmane et chrétienne). Aussi étonnant que cela puisse paraître, celles-ci ont pu cohabiter pacifiquement jusqu'à l'arrivée des Rois Catholiques (pardonnez leur omniprésence), et plus exactement jusqu'en 1492 (année schizophrénique de la découverte de l'Amérique décrétant également l'expulsion des Juifs d'Espagne ; ah, et notons que cette année marque tout autant le début de l'ère moderne...). La coexistence paisible des trois cultures était également possible à Cordoue, et dans le reste de l'Andalousie. C'est l'une des raisons pour lesquelles on trouve autant de synagogues, mosquées et cathédrales dans cette partie du pays.
Tout cela pour dire que je me suis ensuite baladée à travers la splendeur de la Judería (quartier juif), dont la frontière se situe au-delà de la Cour des orangers. Ses façades fleuries et colorées, blanchies à la chaux, sont un véritable joyau de la culture andalouse et guident notre imagination vers ces doux stéréotypes, décidément plus charmants en vrai. La calleja de las flores ne peut d'ailleurs pas mieux porter son nom ; c'est sans doute l'impasse qui vaut le plus le détour.
En poursuivant dans ce labyrinthe poétique, on finit par tomber nez à nez avec, la statue de Maimónides, un fervent partisan d'Aristote et érudit de confession juive, né à Cordoue au douzième siècle, enfouie parmi les nombreux orangers ; parce qu'en effet, on trouve de ces agrumiers en pleine ville. Mais ne vous aventurez pas à goûter : ces oranges sont très bien gardées puisqu'enveloppées d'une amertume caractéristique...
Si on ose s'aventurer, on peut trouver, non loin de la Plaza de ce cher Maimónides, de jolis patios et marchés. Je pense tout particulièrement au Zoco Municipal, caché entre la Sinagoga de Córdoba et le musée taurin et relié par un pasadizo estrecho (un passage étroit). Pur produit de l'héritage arabe, ce zouk révèle d'adorables ateliers artisanaux (maroquinerie, verre, céramique...).
Si ces cours típicas sont visitables toute l'année, sachez qu'en y vadrouillant en mai, vous pouvez profiter du Festival des Patios. Instaurée en 1918, cette fête célèbre l'hospitalité et la beauté cordouanes en permettant aux habitués ou aux visiteurs du monde entier de découvrir des trésors enfouis là où jamais on ne les aurait soupçonnés. Si sa création date d'une centaine d'année, elle s'est vue interrompue durant la Guerre Civile, et cela ne fait qu'un demi siècle qu'elle a pu resurgir.
En s'éloignant légèrement de la Judería, on découvre la Puerta de Almodóvar, del Nogal ou de Badajoz (Porte d'Almodovar, du Noyer ou de Badajoz), qui constituait la muraille de la ville à l'époque de Al-Ándalus.
Après avoir grignoté dans un petit bar à tapas de la Judería, il était (déjà...) temps pour moi de me diriger vers la dernière visite. Je suis donc revenue sur mes pas pour traverser une dernière fois le Puente Romano et entrer dans le musée vivant de la Torre de la Calahorra. Comme l'indique son nom, cette tour défensive ("Qal'a horra" signifie "tour libre", en arabe) a été érigée par les Almohades pour protéger l'accès au pont romain. Tout comme la mosquée-cathédrale, elle a subi quelques modifications, et notamment l'ajout de deux tours cylindriques, décidé par Enrique II de Castille, au quatorzième siècle. En 1931, la batisse a été déclarée monument historique. Elle a ensuite été rénovée en 1951, puis transformée en un musée par l'écrivain français Roger Garaudy en 1987, dans l'optique de diffuser divers principes humanistes de Al-Ándalus.
Si du haut de son sommet on peut profiter d'une vue imprenable sur Cordoue, la visite du musée n'a pas été ma préférée. Elle se fait au moyen d'audio-guides (dans la langue que vous souhaitez) et se veut prosiquement poétique (ce qui, en soit, est plutôt plaisant). Malheureusement, le simple fait de dépendre d'un guide audio ne rend pas le moment agréable, d'autant plus que les lieux sont particulièrement étroits. J'aurais nettement préféré vaquer dans la ville urbaine, profiter des patios ou m'égarer dans l'Alcázar de los Reyes Cristianos, que de réapprendre ce qu'on avait déjà enseigné (bien que ce ne soit pas inintéressant). En plus, c'est précisément en ce lieu que le Génovois Christophe Colomb négocia avec les Reyes Católicos (oui, encore eux) en prévision de son premier voyage.
Ce petit aperçu de Cordoue m'a séduite et il est indéniable que je refoulerai ses pavés. La magnificence et sa richesse patrimoniale et culturelle la rendent plus unique encore qu'on pourrait le croire. Je conclurai avec une citation de Rafael Moneo au sujet de la mosquée-cathédrale et que j'étendrai personnellement à la cité dans son entièreté : "Una obra que tiene como el más valioso de los atributos su condición absorbente, su capacidad de incorporar e integrar tan diversos elementos" (« Un chef d’œuvre qui a comme attribut majeur sa condition absorbante, sa capacité à incorporer et intégrer des éléments si divers »).
Liens utiles :
et vous, connaissez-vous Cordoue ?
Coucou ma belle,
RépondreSupprimerTes photos me rappellent mon séjour à Cordoue, quelle ville magnifique ! La mezquita-catedral est une pure merveille, je n'en suis toujours pas remise je crois, tant de beauté, c'est fou ! C'est l'endroit à voir absolument bien sûr, mais j'ai aussi vraiment aimé les patios, ils sont tous plus beaux les uns que les autres et très fleuris !
Une ville à voir et à revoir :)
Des bisous !
Hello Élodie,
SupprimerOn ne peut être que séduite par cette ville, et cette région de l'Espagne dans son ensemble. Les fleurs, la chaleur, la bonne humeur ; tout y est réuni pour passer de moments incroyables et inoubliables.
A revoir, et vite !!
Des bisous.
Coucou,
RépondreSupprimerMerci pour cet article riche en jolies photos, en histoires et en vrais bon plans. Tu m'as donné envie de sauter dans un avion pour y aller à mon tour !
Des bisous
Hello Clarisse,
SupprimerCordoue est une ville splendide, je suis ravie d'avoir su t'aiguiller et te donner envie d'aller la visiter.
Des bisous.
Hello ma beauté! Comment vas tu? <3 merci pour tous tes commentaires sur le blog! Ton post est très intéressant, j'en apprends beaucoup sur cette ville que je n'ai pas (encore) visitée! Et tes photos sont sublimes, comme toujours! Tu me donnes envie de déménager en Espagne pour découvrir toutes les villes de ce pays incroyable! des bisous!
RépondreSupprimerHello Sarah,
SupprimerDepuis le temps !
Je suis ravie que ce post t'ait plu et d'avoir réussi à transmettre ma passion et mon attrait pour ce coin d'Andalousie.
A très vite. Des bisous.
Qu'est ce que cette ville est magnifique 😍 La mosquée- cathédrale a l'air tellement belle. Je garde précieusement ton article dans mes favoris. Merci ma belle !
RépondreSupprimerDoux week end
Hello Mylène,
SupprimerMerci pour ce petit mot. Cette ville est splendide. A faire figurer sur ta bucketlist ! ;)
Des bisous.
Hello
RépondreSupprimerMon dernier voyage en Espagne date de plusieurs années mais je garde de merveilleux souvenirs de mes différents séjours. Je me demande d'ailleurs en lisant et en admirant tes photos pourquoi je n'y suis pas retournée ! Merci pour ce très bel article
Bisous
Hello Natie,
SupprimerL'Espagne est un pays si riche qu'on ne peut définitivement pas puiser ses ressources culturelles. N'hésite plus à y retourner, tu n'en seras qu'encore plus émerveillée.
Des bisous.
Ton article me fait rêver... J'ai une famille plutôt hispanophile et hispanophone (ma sœur, mes nièces, mes frères dont un qui habite à Barcelone) et ça fait tellement longtemps que j'ai envie d'aller à Cordoue et à Séville... mais je me suis installée à Hambourg ! Quand les enfants seront plus grands, on ira forcément y passer des vacances.
RépondreSupprimerHello, et bienvenue sur le blog !
SupprimerTon petit mot me fait très plaisir. L'Andalousie devrait se traduire "rêve éveillé" ; c'est splendide. Tu ne seras pas déçue.
Des bisous.
Hello ma belle,
RépondreSupprimercomment vas tu? Je ne suis jamais allée à Cordoue mais ton article donne vraiment envie de passer un weekend dans cette ville. L'architecture est magnifique et c'est vraiment une ville chargée d'Histoire :)
Bisous
Mimi
Hello Mimi,
SupprimerUn week-end suffit pour visiter la ville, mais les alentours valent le détour. Si tu décides d'y aller, ne t'arrête pas en si bon chemin. ;)
Des bisous.